Gestion des congés payés pendant les arrêts maladie : les nouvelles règles et le rôle du CSE

La récente jurisprudence de la Cour de cassation transforme profondément la gestion des congés payés en cas de maladie. Cette évolution majeure, qui aligne le droit français sur les standards européens, offre de nouvelles perspectives aux salariés. Il est essentiel de comprendre ces changements pour les élus du CSE afin de suivre l’évolution des pratiques RH en entreprise. 

Une harmonisation de la gestion des congés payés pendant les arrêts maladie vers le droit européen

La Cour de cassation a récemment rendu plusieurs arrêts fondamentaux qui révolutionnent la gestion des congés payés en période de maladie. Cette évolution s'inscrit dans une démarche d'harmonisation de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne, particulièrement l'article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux concernant le droit au repos.

L'objectif du congé payé, selon la jurisprudence européenne, est de permettre aux salariés «non seulement de se reposer, mais aussi de profiter d'une période de détente et de loisirs ». Cette finalité diffère fondamentalement de celle du congé maladie, qui vise la guérison ou le rétablissement d'un problème de santé. Cette distinction conceptuelle justifie les nouvelles règles applicables.

Ces changements concernent trois situations principales : 

  • la maladie survenant pendant les congés payés, 

  • l'acquisition de droits à congés pendant un arrêt maladie, 

  • Et la prescription des droits à indemnité compensatrice.

Conformément à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à la directive européenne sur l'aménagement du temps de travail, Directive 2003/88/CE, la jurisprudence française rénove le cadre légal. 

En effet, le 10 septembre 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation consacre définitivement le droit au report des congés en cas d’arrêt maladie. La Cour de cassation a établi trois principes majeurs :

  1. Le report des congés en cas de maladie pendant les vacances : un salarié tombant malade pendant ses congés peut demander leur report, à condition que l'arrêt-maladie soit notifié à l'employeur dans les délais impartis.

  2. L’acquisition de droits pendant l'arrêt maladie :les salariés en situation de maladie ou victimes d'accident (professionnel ou non) conservent leurs droits à congés payés pendant toute la durée de leur arrêt de travail.

  3. La suppression de la limitation temporelle : en cas d'accident du travail, l'indemnité compensatrice de congé payé ne peut plus être limitée à une année comme l’a instauré la loi du  22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE), entrée en vigueur le 24 avril 2024.

A noter que le ministère du Travail rappelle que les salariés bénéficient d’un délai de 15 mois pour reporter leurs congés payés, selon les mêmes règles que leur acquisition. En principe, le délai démarre après que l’employeur a informé le salarié de ses droits, mais en cas d’absence prolongée (>1 an), il court à partir de la fin de la période de référence (souvent le 31 mai). Ces précisions visent à sécuriser les droits des salariés et à clarifier les obligations des employeurs.

Bon à savoir : Le délai de prescription de l'indemnité de congé payé ne commence à courir qu'après que l'employeur a effectivement permis au salarié d'exercer son droit à congé payé.

Propositions d'action : 

  • Diffuser des supports Collaborer avec la direction pour mettre à jour les procédures internes et les documents d'information comme des supports pédagogiques détaillant les procédures de notification d'arrêt maladie pendant les congés. 

  • S'assurer que les calculs de droits à congés intègrent bien les périodes d'arrêt maladie ou s’assurer de la révision des pratiques de paie

  • Vérifier l’effectivité de l’exercice du droit à congé des salariés dans le cadre des délais impartis

  • Négocier des accords d'entreprise précisant les modalités pratiques d'application de ces nouvelles règles. 

La portée de l’arrêt sur l'organisation du travail et la politique RH

Ces évolutions jurisprudentielles transforment la gestion des collaborateurs, ce qui nécessite une révision des pratiques RH tels que la planification des absences ou le calcul des provisions pour congés payés. 

Les entreprises doivent désormais anticiper des reports de congés plus fréquents et adapter leur organisation pour maintenir la continuité d’activité. Cette flexibilité accrue en faveur des salariés renforce leur protection sociale tout en complexifiant la gestion prévisionnelle des effectifs.

Les références juridiques : 

  • Articles L3141-1 du code du travail et suivants sur le droit aux congés payés

  • Articles L1226-1 du code du travail et suivants sur la suspension du contrat de travail pour maladie

Bon à savoir : L'employeur doit mettre en place des procédures permettant aux salariés d'exercer effectivement leurs droits. Cela inclut l'information sur les droits, la mise en œuvre de processus de notification simplifiés, et la garantie d'une organisation permettant la prise effective des congés.

L’employeur ne peut pas retenir les heures supplémentaires exécutées sur le salaire; au motif que les 35h n’ont pas été réalisées sur la période donnée en raison de la prise de journée de congé payés. En effet, en la matière, la cour de cassation pourvoi n°23-14.455 s’aligne sur la droit européen de l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 

Propositions d'action pour le CSE :

  • Participer aux réflexions sur l'adaptation des systèmes de gestion des congés

  • Proposer des solutions organisationnelles pour gérer le report des congés notamment dans le cadre de l’information-consultation sur les orientations stratégiques. 

La prévention et les bonnes pratiques organisationnelles

La mise en œuvre efficace de ces nouvelles règles nécessite une approche préventive et une culture d'entreprise favorisant le bien-être des salariés. L'objectif consiste à créer un environnement où les droits peuvent s'exercer naturellement, sans créer de tensions organisationnelles et/ou relationnelles. 

Cette démarche s'inscrit dans une logique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et de qualité de vie au travail. Elle valorise ainsi la protection des salariés (L4121-1 du Code du travail). 

Le CSE dispose d'un rôle consultatif important sur les questions de santé au travail et peut contribuer à l'élaboration de politiques préventives efficaces. Il peut aussi être proactif en remontant des réclamations individuelles ou collectives à l’employeur comme le précise l’article L2312-5 du code du travail. 

Propositions d'action pour le CSE :

  • Sensibiliser aux bonnes pratiques de prise de congés pour favoriser la récupération des corps et des esprits.

  • Analyser les statistiques d'absentéisme et de reports de congés pour identifier les tendances et proposer des mesures d’ajustement notamment dans le cadre de l’information-consultation sur la politique sociale, condition de travail et emploi. 

Conclusion

Ces évolutions jurisprudentielles renforcent considérablement les droits des salariés en matière de congés payés. Pour les élus du CSE, il s’agit de bien appréhender cette évolution pour l’intégrer à l’information-consultation sur la politique sociale, condition de travail et emploi et aux réunions SSCT. 

Pour aller plus loin dans la compréhension de ces enjeux complexes, Echo CSE vous propose un service d’accompagnement et de formation dédié au CSE. 

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