Utilisation des heures de délégation: connaître les règles et le fonctionnement en tant que représentant du personnel
Les heures de délégation constituent un droit fondamental pour les représentants syndicaux et du personnel dont beaucoup d’entre eux constatent des difficultés à poser ce temps de travail dédié à leurs activités d’élus. Encadrée par le Code du travail et précisée par la jurisprudence, la maîtrise des règles d'utilisation de ces heures est essentielle pour mener son action en toute liberté.
Le contexte général d'utilisation des heures de délégation
Les heures de délégation sont un droit individuel accordé uniquement aux membres titulaires du CSE pour leur permettre d'exercer leurs fonctions représentatives, sauf accord dérogatoire. Ce crédit mensuel varie selon l'effectif de l'entreprise, comme le montre le tableau ci-dessous:
Il constitue un minimum légal incompressible que l'employeur doit respecter. A noter que les heures de délégation pour les délégués syndicaux sont de 12 à 24 h/mois, selon l’effectif (Article L2143-13 du Code du travail). L'utilisation ne nécessite pas d'autorisation préalable, seulement une information sur les absences. Il est bon de souligner qu’elles doivent être utilisées en conformité avec la nature des mandats.
L'article L2315-7 du Code du travail indique que "l'employeur laisse le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions" aux membres titulaires du CSE, avec un minimum de 10 heures par mois pour les entreprises de moins de 50 salariés et 16 heures pour les autres.
Proposition d'action :
Avoir connaissance du crédit d’heures de délégation en vigueur dans votre entreprise soit d’ordre légal soit par convention : Pensez à vérifier si un accord collectif prévoit un crédit supérieur.
Planifier les missions en tenant compte de ce volume horaire disponible.
Aborder en entretien de début de mandat votre droit à prendre des heures de délégation.
Les modalités pratiques d'utilisation
L'utilisation des heures de délégation obéit à des règles précises concernant la mutualisation, le cumul, le transfert et l'exclusion de certaines activités du décompte. La mutualisation entre titulaires et suppléants offre une flexibilité organisationnelle, tandis que le cumul permet de gérer les pics d'activité et le transfert de gratifier les collègues à la hauteur de leur implication. A noter qu’il s’agit d’un excellent moyen d’impliquer les élus suppléants ne disposant pas de crédit d’heures.
Les représentants peuvent utiliser ce crédit pendant ou en dehors des heures de travail, dans l’entreprise comme en extérieur en concomitance avec la liberté de circulation octroyée.
L'article R2315-5 du Code du travail autorise le cumul sur 12 mois maximum et 1,5 fois le crédit mensuel, dans la limite d'une fois et demie le crédit mensuel par mois d'utilisation.
Selon les cas de figure, les missions suivantes ne s'imputent pas sur le crédit
d'heures :
Le temps passé en réunions à l'initiative de l'employeur,
Le temps de déplacement pour ces mêmes réunions,
Le temps passé dans la commission CSSCT,
Le temps passé aux enquêtes menées après un accident de travail grave, un risque grave, une maladie professionnelle.
La durée de l’entretien préalable en cas d’assistance
Proposition d'action :
Organiser la mutualisation ou le transfert des heures selon les missions réalisées par chacun.
Gérer le cumul des heures pour disposer d’amplitude pour les dossiers importants (négociations, enquêtes) en respectant bien le préavis d’information à l’employeur de 8 jours.
Distinguer systématiquement les réunions déductibles de celles qui ne le sont pas.
La protection du droit et les sanctions
Les heures de délégation sont du temps de travail effectif ce qui signifie qu’il doit être rémunéré. Toute entrave à l’utilisation des heures de délégation de l'employeur est sanctionnée par une amende de 7500€ pour la personne physique (le dirigeant de l’entreprise) et 37 500€ pour la personne morale (l’entreprise). Les montants sont doublés en cas de récidives.
La Cour d'appel de Dijon (4 juillet 2025, n° 23/00569) confirme que "le représentant du personnel n'a pas à obtenir d'autorisation de l'employeur pour utiliser ses heures de délégation". De même, l’employeur ne peut exiger des informations sur les activités ou les déplacements effectués sur ce temps de délégation. La Cour de cassation (19 mai 2016, 14-26.967) établit que l'employeur ne peut contester l'utilisation qu'après paiement de la rémunération.
Proposition d'action :
Transmettre les bons de délégation au préalable,
Tenir un tableau de suivi des heures de délégation au sein de l’instance en cas de mutualisation des heures.
Conserver une trace écrite de toute entrave (le refus, le retard de paiement, la subordination à autorisation). En cas de difficulté, déclencher une démarche de constatation de l’entrave auprès de l’inspection du travail.
Conclusion
Les heures de délégation représentent un moyen majeur pour garantir l’exercice des nombreuses et diversifiées missions confiées aux représentants du personnel. Leur utilisation opportune, dans le respect du cadre légal, renforce l'action des élus et contribue à un dialogue social équilibré. Face aux tentatives d'entrave, la mobilisation des voies de recours juridiques protège ce droit fondamental. Il revient ainsi aux élus de s'approprier pleinement cet outil pour exercer leur mandat, en toute sécurité.