Quelle portée juridique de la charte d’entreprise ? 

Les représentants du personnel sont régulièrement confrontés à des chartes internes présentées par la direction comme de simples documents d'orientation : charte du télétravail, charte RGPD,... Pourtant, derrière cette apparente simplicité se cache une réalité juridique complexe. Ces chartes peuvent acquérir une force opposable aux salariés, sous condition d'une procédure d’entrée en vigueur réglementaire. 

Comprendre cette mécanique juridique permet aux élus CSE d’assurer la protection des salariés mais aussi d'apprécier la distinction avec l’accord d’entreprise. 

Quand une charte devient-elle opposable aux salariés ?

Une charte d'entreprise franchit le seuil de la simple recommandation lorsqu'elle remplit certaines conditions de forme et de fond. L'entreprise peut alors s'en servir comme base légale pour sanctionner un salarié, au même titre que le règlement intérieur ou le contrat de travail. 

Premièrement, l’employeur doit présenter au CSE la charte pour information. Le recueillement de l’avis du CSE est facultatif dans ce cas. Après information aux salariés par voie de communication interne, la charte doit être annexée au règlement intérieur puis déposée au secrétariat du greffe du conseil de prud’hommes et à l’inspection du travail.

De plus, elle doit mentionner aussi le contrat de travail des salariés.

Bon à savoir : le respect du règlement intérieur est de facto accepté à la signature du contrat de travail. 

L’intégration de la charte d’entreprise dans des documents contractuels de référence acquiert ainsi une force contraignante réelle. 

Conformément à l’article l'article L.1321-1 du Code du travail, le règlement intérieur fixe: 

  • d’une part la règlement en matière de santé sécurité et condition de travail comme prévu  l’article l’article L4122-1 du Code du travail, 

  • d’autre part, les règles générales et permanentes de la vie en entreprise relatives à la discipline. 

Le règlement intérieur prévoit notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.

Bon à savoir : la jurisprudence rappelle qu'une charte isolée ne peut justifier une sanction, sauf intégration au cadre disciplinaire établi.

Proposition d'action : 

  • Identifiez systématiquement toutes les chartes en circulation dans votre entreprise et vérifiez leur statut juridique. 

  • Si nécessaire, demandez à l’employeur de clarifier formellement leur portée. 

Comment le CSE peut participer à la mise en place d’une charte d’entreprise ? 

Certes le CSE n’est pas sollicité pour rendre son avis consultatif et des leviers de négociation quasi-néant, sa vigilance reste centrale dans une démarche de dialogue social apaisé. 

L'instance peut légitimement procéder à une lecture préalable sur le contenu, s'assurer du respect des procédures (dépôt en inspection du travail, diffusion appropriée) et compléter la communication auprès des salariés.Cette démarche préventive permet d'éviter que des salariés soient ultérieurement sanctionnés sur la base de documents juridiquement fragiles.

Bon à savoir : Seul peut prendre l’initiative de dénoncer ou modifier une charte. Dans ces cas, il informe impérativement le CSE et les salaires puis procède au dépôt de la nouvelle version. 

Proposition d'action

  • Proposer une approche de réflexion collective via notamment un atelier associant RH, CSE et services concernés pour renforcer la légitimité et l'intérêt de ces documents.

  • Proposer, le cas échéant, une phase de transition pour la mise en vigueur de la charte pour garantir la prise de connaissance pour tous les salariés et prévoir des mesures spécifiques aux salariés concernés

Les réflexes “protections des salariés”

La mission d’élus invite à anticiper et prévenir tous les risques d’encadrement des salariés. La maîtrise des différents outils d’encadrement des relations collectives tels que l’accord d’entreprise, le règlement intérieur, la charte d’entreprise ainsi que leurs contenus permet de s’assurer de la cohérence de ces documents avec les pratiques internes observées. Il appartient également au CSE de veiller à la bonne exécution du cadre légale définie dans l’entreprise dans l’intérêt du bien-être des salariés. Cela implique de l’information audible par tous les salariés. 

En cas de besoin d’éclaircissement ou de contestation, l'article L.2312-5 du Code du travail rappelle au CSE sa possibilité d’exercer des réclamations écrites individuelles et collectives relatives notamment à la protection des salariés. 

Proposition d'action

  • Recenser dans un tableau de bord les chartes en vigueur dans l’entreprise et leur articulation avec le règlement intérieur.

  • Informer les salariés sur les règles de vie de l’entreprise et leur portée réelle (encadrement, sanctions, …)

  • Prévenir les salariés en cas d’entretien disciplinaire d’être accompagné par une personne de son choix dans l’entreprise, selon l’article R1332-1 du code du travail. 

Bon à savoir : les salariés privilégient généralement un représentant du personnel en raison de son expérience et de son savoir-faire. A savoir qu’un module sur l’assistance des salariés est prévu à cet effet dans la formation “fondamentaux en droit social”

La portée juridique des chartes d'entreprise démontre la complexité du droit social français. L'évolution constante des pratiques managériales invite les élus CSE à maîtriser ces mécanismes pour assurer la protection des salariés.

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